Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
31
ANNÉE 1781.
12


À ROLAND, À AMIENS[1]
8 février 1781. – de Rouen.

Eh bien ! mon tendre ami, tu es toujours au milieu des tracas ; tandis que bien tranquille chez les amies que tu m’as données, je suis environnée de personnes qui s’empressent à me témoigner l’intérêt le plus flatteur, seul, éloigné de moi, tu te livres dans le jour à des soins peu relatifs à tes goûts ; puis, seul encore au moment de la retraite, tu vas chercher tristement un repos nécessaire, que les douces caresses de l’amitié ne t’ont pas préparé. Tiens, mon ami, dépêche-toi de terminer les arrangements indispensables et reviens promptement nous réunir ; tout ce que ma situation peut avoir d’agréable à tout autre égard me rappelle trop vivement que la tienne est différente, et cette idée m’est un tourment. J’ai reçu ta petite lettre avec bien de l’émotion ; tu étais encore inquiet, je le craignais assez ; j’espère que le second courrier t’aura tranquillisé. J’attends présentement d’autres nouvelles aussi avidement que les premières ; peut-être arriveront-elles aujourd’hui, et je tarderai de fermer mon paquet pour y répondre.

J’ai eu, lundi au soir, des nouvelles de Dieppe[2], par M. l’abbé Burgot[3], que je n’ai pas vu, mais qui remit en bas, en descendant de la voiture, deux exemplaires des cinq vol. de tes Lettres, et un cahier du 7e vol. de l’Histoire de la Grèce ; comme cet abbé avait dit qu’il reviendrait me voir, j’ai attendu sa visite avant de répondre aux lettres qui étaient contenues dans le paquet. Il n’est point encore venu, et je vais

  1. Ms. 9533, fol. 71-73.
  2. C’est-à-dire de la famille Cousin. L’aîné des deux frères, Michel Cousin, était avocat du roi au bailliage de Caux ; l’autre frère, Louis Cousin-Despréaux, aidait sa mère, qui s’occupait à la fois d’un commerce de dentelles et d’armements pour la pêche côtière. Il écrivait en même temps son Histoire générale et particulière de la Grèce, qui commençait à paraître.
  3. Nous ne savons rien sur cet ami des Cousin, que Roland, dans une lettre à sa femme du 3 juin 1786 (ms. 6240, fol. 256-261), appellera « l’abbé Burgos ».