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visage, de me sentir pressée dans ses bras, mouillée de ses pleurs, de lui voir tirer de son sein deux lettres de toi ! — Mais je n’ai jamais pu les lire en sa présence, et j’avais l’ingratitude de trouver sa visite longue ; elle a voulu emporter un mot de ma main ; je ne trouvais pas plus facile de t’écrire sous ses yeux, et je lui en voulais presque de son empressement officieux.

Mon ami, ta lettre du 15[1] m’a offert ces mâles accents auxquels je reconnais une âme fière et libre, occupée de grands desseins, supérieure à la destinée, capable des résolutions les plus généreuses, des efforts les plus soutenus ; j’ai retrouvé mon ami, j’ai renouvelé tous les sentiments qui me lient à lui. Celle du 17…, elle est bien triste ! Quelles sombres pensées la terminent ! Eh ! il s’agit bien de savoir si une femme vivra ou non après toi ! Il est question de conserver ton existence et de la rendre utile à notre patrie ; le reste viendra après !

Je reçois ici les visites d’un homme qui a été placé par R[oland] pour aller dans les prisons s’informer de ce qui s’y passe, épier les abus, recevoir les réclamations et porter le tout au ministre de l’Intérieur[2].

    431). C’est grâce à leur dévouement que Petion, mis en état d’arrestation chez lui le 2 juin, put s’évader le 23 et sortir de Paris le 25 (voir Mém. de Petion, éd. Dauban, passim).


    Une note manuscrite du commencement de ce siècle, conservée à la bibliothèque de Chartres, et dont nous devons la communication à M. Merlet, archiviste d’Eure-et-Loir, nous permet de réunir sur Goussard et sa femme des renseignements très précis : Alexandre Goussard était né à Dreux, de Jean-Baptiste Goussard, instituteur à Dreux, et d’Élisabeth Trespereau. Il fut successivement avocat à Paris, électeur de Paris en 178, membre de la commune provisoire du 18 septembre (Robiquet, p. 47, 75, 214), et déjà attaché à la Chambre des comptes (ibid), puis commissaire du Roi au tribunal d’Évreux, premier commis-chef de division au ministère des contributions publiques (Alm. nat. de 1793, p. 135), agent national commissaire de la comptabilité (Alm. nat. de l’an iv, p. 131 ; M. Dauban, Mém. de Petion, 131, dit : « Directeur de la comptabilité commerciale »), puis, sous l’Empire et la Restauration, conseiller-maître des Comptes, chevalier de la Légion d’honneur, etc. Il a publié divers ouvrages sur des questions de comptabilité ou de finances.

    Sa femme (Marie-Anne-Victoire Goussier) était fille de Louis-Jacques Goussier, ingénieur à Paris.

  1. Cette lettre du 15 est celle que Barbaroux avait fait passer ce jour-là à de Perret : « Je te remets ci-joint une lettre que nous écrivons à cette estimable citoyenne » (lettre de Barbaroux à de Perret, de Caen, 15 juin 1793). La lettre du 17, mentionnée un peu plus loin, avait été transmise par Barbaroux à de Perret le 18. « Je te prie de remettre la lettre ci-incluse. » (Ibid., 18 juin.)
  2. C’est Grandpré. — Voir sur lui Mém., I, 27, 31, 37, 44, 103-104, 218, 223.