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le voyez, correspondant de l’Académie des Sciences de Paris, de sa sœur, la Société royale des Sciences de Montpellier, et associé de plusieurs autres ; ce ne serait plus chose difficile de l’être de plusieurs autres encore en France ; mais je voudrais tenir à quelques-unes dans l’étranger ; et, entre nous, je serais flatté que celle de Berlin fût du nombre. J’ai, comme vous le savez, mes Arts, que vous avez quelque intérêt à faire valoir, dont les papiers publics et surtout le Journal des savants ont parlé avec beaucoup d’éloges, et qui, je le sais, se vendent très bien avec avantage pour le libraire ; j’avais un discours sur l’éducation des moutons et la culture des laines. J’ai encore, dans le Journal de physique, de cette année, une lettre sur les teintures, qui n’est pas sans intérêt ; on imprime, et dans quinze jours l’édition sera enfin finie, le dernier des 6 volumes in-12 de mon Voyage d’Italie, que, par parenthèses, on traduit à mesure en anglais. Je suis chargé, et je m’en occupe, de toute la partie des manufactures dans l’Encyclopédie par ordre de matières, dont vous verrez dans peu le prospectus, et j’ai composé le discours que je vous envoie pour être mis en tête de la suite des traités, au mot manufactures.

Je me suis aussi proposé de décrire l’Art du tourbier, et j’en ai préparé les matériaux par beaucoup de recherches contenues au deuxième mémoire ci-joint. Faites-moi le plaisir de faire passer ces mémoires, avec recommandations, à quelques Académies. Faites faire les copies et autres frais nécessaires, à ma charge, comme de raison…

Puis il Jugea nécessaire d’écrire directement au roi de Prusse lui-même. Son brouillon (ms. 6243. fol. 59-60), daté d’Amiens, 25 décembre 1781, est de l’écriture de sa femme ; il n’y a de lui que des corrections marginales. La Correspondance nous prouve d’ailleurs que la lettre est bien d’elle (voir lettres 20 et 21). Elle est curieuse et vaut d’être publiée :


Au roi de Prusse.
Amiens, le 25 décembre 1781.

Sire.

J’ose m’adresser à Votre Majesté pour solliciter une faveur dont le désir m’est inspiré par mon admiration pour sa personne.

Persuadé que les favoris de la gloire en sont aussi les dispensateurs, et que celle qui résulte de l’approbation d’un grand homme est une des plus flatteuses, j’ambitionne d’être admis dans cette compagnie savante qui fleurit sous votre protection et doit son éclat à vos lumières.

Si l’amour des connaissances n’était pas un rapport qui fit correspondre ceux qu’il transporte, malgré la distance des rangs ; si le philosophe n’égalait en vous le Prince et ne faisait voir l’homme dont l’espèce s’honore dans le souverain qu’on doit respecter, j’aurais cru ma démarche inutile, ou plutôt, je n aurais pas songé à la faire. Mais la réunion de la supériorité personnelle aux grandeurs ne fut jamais plus complète et plus propre à donner cette confiance qui, en élevant l’âme, fait le plus bel éloge de celui qui l’inspire.

Je ne dois pas ces sentiments aux seuls témoignages de l’histoire ; j’ai vérifié ceux-ci par mes yeux ; j’ai considéré les prodiges du génie dans la sagesse d’une administration qui porte son empreinte et dont les effets m’ont frappé de toutes parts, en parcourant les États de Votre Majesté, en 1775[1]. Je visitai, dans ce même temps, plusieurs membres de l’Académie de Berlin, MM. Bitobé[2], Béguelin[3], Pernety[4], etc., auxquels j’étais adressé par quelques-uns de celle de Paris, et

  1. Voir à l’Appendice précédent le récit de ce voyage.
  2. Sic, Bitaubé (1732-1808).
  3. Béguelin (1744-1789), directeur de l’Académie.
  4. Pernety, (1716-1801).