Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/177

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ne sentent pas, quand ils croient me consoler entièrement en m’assurant que mon enfant vivra. Parlons d’autre chose ; ceci me tiendra lieu de collation.

Tu ne te doutes sûrement pas que la pauvre Marguerite a eu aussi la dyssenterie, assez fort durant cinq jours, la semaine d’auparavant la dernière ; Marie-Jeanne l’a soignée en secret ; elles se sont entendues pour nous le cacher, afin de ne pas augmenter nos embarras et nos inquiétudes. Autre histoire : M. d’Hervillez, dont la femme est une d’Antin, m’a dit qu’il avait rencontré Joséphine, qu’il lui avait demandé de mes nouvelles et avait appris qu’elle ne me servait plus, chose dont il ne s’étonnait nullement et qu’il avait prévue en la voyant chez moi ; il ajouta (ce dont je m’étais, comme tu sais, aperçu) qu’elle était sujette à de terribles vapeurs hystériques et, qui pis est, qu’elle était visionnaire ; qu’il l’avait traitée pour la première cause chez Mme Robert[1], sa belle-sœur, d’où elle avait été renvoyée pour la seconde.

J’ai été ennuyée tantôt par M. Duperron, hier par Mme d’Eu qui m’a l’air assez désœuvrée, car elle est demeurée plus d’une heure et elle avait amené sa petite fille. Heureusement l’ami de Vin était de compagnie. Le bon M. de Bray n’a pas manqué sa petite visite du soir : il m’a témoigné que sa femme désirait me voir ; j’ai répondu avec politesse et sensibilité, mais comme quelqu’un qui n’est pas pressé de recevoir. Mme Cannet est venue ce matin, tout clopant ; Mlle Decourt[2] sort d’ici ; elle m’a épanché son cœur sur le sort qui l’attend quand elle perdra sa sœur ; elle, a causé avec confiance, je lui ai répondu avec intérêt, et je pense qu’elle s’en est allée contente de moi. Pauvre fille ! habituée à des jouissances qui sont devenues des besoins, elle souffre déjà par la crainte de les perdre. Au reste, la bonne mère va mieux.

    surmonta. — Cf. Discours préliminaire de Champagneux, p. lxxxv du même volume.

  1. Nous n’avons rien trouvé sur cette Mme Robert.
  2. Mlle Madeleine Decourt, sœur de Mme de Bray la mère, et par conséquent tante d’Alex.-Nic. de Bray, l’avocat du Roi, avait été marchande, avant de se retirer auprès de sa sœur. — Voir Appendice E.