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XV
INTRODUCTION.

n’en connut que quelques morceaux épars, qu’elle faisait passer à M. Faugère à mesure qu’elle les retrouvait (Mém., éd. Faugère, Introd., V-VI), et nous sommes porté à croire que le principal dossier lui resta toujours inconnu[1].

  1. Nous ne parlons pas, bien entendu, du manuscrit autographe des Mémoires, que Bosc lui avait rendu à elle-même (Mém., éd. Faug., Introduct., IV), tel qu’il l’avait constitué en 1795. Elle le confia, en 1846, pour quelques mois à M. Faugère, et, par un testament de la même année, le légua à la Bibliothèque nationale, pour y être déposé après sa mort.

    M. Faugère avait un double titre à la confiance de Mme Champagneux ; il était lié avec elle depuis 1838 (Mém., I, 18, note) par une communauté de croyances religieuses (Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, VIII, 249), et il était, par alliance, petit-neveu de Bosc. Mais elle ne pouvait lui communiquer que ce qu’elle connaissait. Nous voyons, par les papiers de M. Faugère qui viennent d’entrer à la Bibliothèque nationale, qu’en 1846 elle lui envoyait quatre lettres (de 1779) ; en 1852, de petits vers d’anniversaire ; en 1856, six lettres (de 1779 à 1782), plus deux écrits de Roland ; et qu’enfin elle laissa dans ses papiers, pour lui être remis après sa mort, une enveloppe renfermant quatre autres lettres (de 1782), soit au total 14 lettres que M. Faugère a reçues d’elle.

    En avait-elle davantage ? Assurément, car elle écrit à M. Faugère, le 17 mai 1856, en lui envoyant trois lettres : « Comme, à mon âge [75 ans], il faut toujours considérer sa fin comme prochaine, et que je ne veux laisser aucun aliment à la curiosité, je fais de temps en temps des autodafé de mes lettres… » ; puis, le 14 juillet suivant, en lui envoyant encore trois autres lettres : « je vous remets de quoi augmenter votre collection de souvenirs et je vous en conserve encore… » (probablement les quatre lettres remises après sa mort). Mais on sent bien, en considérant ces dons minces et espacés, et tout en tenant compte des autodafé, qu’elle ne disposait pas du gros dépôt et même ne le soupçonnait pas. Cela nous explique que M. Faugère, en juillet 1864, six ans après la mort de sa respectable amie (19 juillet 1858), quelques mois avant la mort de Pierre-Léon Champagneux (23 octobre 1864), ait pu écrire, à propos de la correspondance de Marie Phlipon et de Roland avant leur mariage : « Cette correspondance fut très active ; quelques lettres seulement en ont été conservées… » Or cette correspondance de 1777 à 1780 existe aux Papiers Roland, et elle se compose là de 112 lettres, qu’a publiées récemment M. Join-Lambert ! Les quelques lettres dont parle M. Faugère sont de celles que Mme Champagneux lui avait données en 1846 et 1856 (il y en a cinq se rapportant a l’année 1779) et qui se trouvent, par suite, dans ses papiers à lui (Bibl. nat.).

    Il nous paraît superflu de démontrer davantage que le petit trésor dont disposait Mme Champagneux était absolument distinct du grand dépôt conservé successivement par son beau-père, son beau-frère et son mari, et qu’elle est morte à soixante-dix-sept ans ne connaissant qu’un très petit nombre des centaines de lettres qui subsistaient de son père et de sa mère.