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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/202

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Le gros Pourceaugnac[1] suivant ton excellente dénomination, est venu hier, sachant bien que tu étais absent. « Monsieur y est-il ? » — Il est à Paris. — Madame y est ? — Oui », tout court, répond la fille novice, sans ajouter que je n’étais pas visible. — « Vous remettrez ces billets. » J’ai reçu deux Maugd [Maugendre], dont j’ai fait aussitôt de petites cartes pour ma lampe de nuit.

Je ne sais, mais je suis bien aise du répit que tu me donnes pour mes dépêches à Villefranche ; je ne sais écrire qu’à toi… Je mens ; j’ai fait ce matin une lettre pour Crespy. Mais, en somme, j’ai prodigieusement de paresse et je ne m’occupe qu’en vraie femme à ces petits tracas et bêtises de ménage, autour de mon enfant avec lequel je joue comme une autre enfant moi-même, ainsi que tu dis. Elle est encore éveillée actuellement, depuis deux heures d’après-midi, passant alternativement de mes genoux à ceux de sa bonne, mangeant ou buvant toujours, riant, pissant, etc., etc., et surtout s’amusant beaucoup à regarder le feu ou la lumière.

Nous faisons demain nos confitures et Marie-Jeanne m’apprend à faire de la tarte, chose qui ne me déplaît pas, car je suis fort ignare en pâtisserie et ma cuisinière, assez bonne d’ailleurs, n’y entend pas grand’chose. Je crois qu’à tout prendre, j’ai un bon sujet ; le tout est de la mettre dès le commencement sur le bon pied ; on peut la mener ; il faut conduire, mais elle est traitable.

Caron[2] n’a rien retranché du mémoire ; nos gens y ont leur sac, et tout bêtes qu’ils soient, ils se sentiront bien mordus.

Ayant à traiter des fils, cordages, tapis, etc., il faudra bien que tu dises un mot de l’emploi du sparte pour ce dernier objet et quelques autres ; il y en a maintenant à Paris, rue de Popincourt, faubourg Saint-Antoine, une manufacture dont le nommé Berthe[3] est entre-

  1. Il ressort de ce passage que « le gros Pourceaugnac » est M. Maugendre, dont nous avons déjà parlé. — Voir lettre des 26 décembre 1781 et 31 janvier 1782.
  2. Caron. — Sans doute J.-B. Caron fils imprimeur du Roi à Amiens (Alm. du Picardie, 1781).
  3. M. Gavoti de Berthe, « à qui la France doit le bel établissement de sparterie du faubourg Saint-Antoine, à Paris… » (Dict.