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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/220

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[À ROLAND, À PARIS[1].]
Jeudi au soir, 10 janvier 1782, — [d’Amiens.]

Tu n’auras pas une longue épître aujourd’hui : je m’y prends tard, je suis un peu lasse, j’ai pour demain matin quelques projets d’arrangements ; somme totale, tu en auras moins à lire.

Il me semble qu’il y a longtemps que je n’ai reçu de tes nouvelles ; ce n’est pas que je calcule les jours ; lors même que je me dispose à t’érire, je ne me retrouve guère dans le compte des intervalles, et j’imagine toujours être en retard ; par une raison semblable, je pourrais estimer plus considérable qu’il n’est en effet le temps écoulé depuis ta dernière.

Ma santé va constamment mieux ; mes forces se réparent, et je ne doute pas que tu ne me retrouves dans le meilleur état. Je présente souvent ma fille au sein : elle ne s’y arrête longtemps, comme à l’éponge, que lorsqu’elle est rassasiée ; mon lait est consistant et sucré, mais encore en fort petite quantité ; je suis obligée de persister à me faire tirer par la femme pour l’entretenir, parce que l’enfant ne suce pas assez fortement ; néanmoins une augmentation graduelle, quoique très faible, me fait continuer d’espérer. Tous ces petits soins remplissent mon temps de manière que je ne fais rien autre ; je me flatte pourtant qu’à ton retour je pourrai reprendre avec toi nos occupations chéries. Notre petite repose fort bien, mange de même et souffre rarement ; je trouve qu’elle reprend un peu, sans avoir encore tout son embonpoint. Sa connaissance se développe ; je m’amuse beaucoup des témoignages qu’elle en donne, et nous jouons tous avec elle, y compris le chien de Marie-Jeanne, qui la fait rire en lui léchant les mains

Ma cuisinière estropiée n’est point guérie ; la plaie semble être

  1. Ms. 9533, fol. 81-82.