Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/227

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fort affligée de la mort d’une sienne grand’mère, et tourmentée par l’injustice d’une tante intéressée. Je m’intéresse à sa peine, c’est un bon sujet qui s’attache à notre enfant, et dont je nuis fort contente. J’ai fait partir tantôt mon estropiée, pour aller chez sa parente guérir son talon, qui la tiendra longtemps, à mon avis, à cause de sa manière de se conduire, jointe d’ailleurs a la rigueur de la saison. Je n’ai point donné à cette fille son compte en forme ; ç’aurait été la contrister dans un mauvais moment ; mais j’employerai son absence à chercher un sujet qui me convienne encore mieux qu’elle ; j’ai reconnu de l’indolence, de l’abandon, de la lâcheté, qui ne me promettraient pas un service satisfaisant. Marie-Jeanne est toujours des nôtres ; je crois qu’elle me gâte un peu, et me fera trouver les autres domestiques bien maussades en comparaison.

M. d’E[u] est venu hier me voir sans façon, col caro Cicisbeo qui m’apportait 1200tt ; il est revenu ce soir me faire voir une toilette brillante qu’il allait promener en visites. Il était dit que M. d’E[u] m’enverrait les autres 400tt ce matin ; elles viendront sans doute, quoiqu’un peu plus tard. Je lui ai écrit un billet, à l’occasion de la botanique[1], pour lui mettre l’épée dans les reins ; je l’enverrai demain à son lever, retard que j’ai apporté parce que je devais le voir précédemment, suivant ce que m’avait dit Mme  d’E[u].

Dimanche matin. — Je me suis interrompue ici encore pour la petite, qui est d’une impatience et d’une gourmandise au delà de toute expression. Elle a bonne envie de vivre et autant d’empressement à prendre le sein, que j’en ai à le lui donner ; le lait n’est pourtant pas encore dans toute son abondance : il y viendra, j’y compte fort, et nous nous portons à merveille.

Je voudrais bien avoir ton avis positif sur une chose qui me donne toujours quelque incertitude : je t’ai dit ce que je pensais de Marie---

  1. Travail que préparait M. d’Eu. Roland écrit à sa femme, le 13 janvier (ms. 6240, fol. 129) : « Presse M. d’Eu pour l’histoire de petite botanique aquatique amiènoise ; qu’il la nourrisse… » Nous ne croyons pas que l’ouvrage ait paru.