Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/228

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Jeanne, et je persiste à croire que nous l’aurions si nous voulions ; je t’ai aussi fait part des raisons qui me font balancer. Cependant je ne puis lui supposer l’idée de son propre avantage pour ses derniers jours ; elle n’ignore pas que nous ne sommes point de ce pays et que nous n’avons pas le projet d’y rester des siècles ; je sais aussi qu’elle a placé à l’hôpital d’Amiens une femme pour s’y assurer un lit, une retraite commode au cas d’infirmités. Elle a, dans sa maison, quelque petite disgrâce de voisinage et de parenté qui contribuerait à la lui faire quitter ; elle m’entretient assez souvent de l’attachement qu’elle a conçu pour nous, même de l’ennui qu’elle éprouvera de ne plus me servir, pour que je puisse regarder cela comme des atteintes qui m’embarrassent un peu, parce que je ne suis pas décidée. Ordre, économie, expérience, dévouement aux intérêts de ses maîtres, intelligence, elle a tout, pour bien conduire notre petit ménage, avec beaucoup de repos d’esprit et d’avantages pour nous ; sans doute, elle aurait aussi quelquefois de l’humeur, de l’attachement à ses petites idées, et sa grande dévotion à ménager, etc. Que penses-tu ? voilà ce que je voudrais savoir.

J’ai été aujourd’hui à la messe pour l’édification de mon prochain ; j’ai reçu Mlle  Cannet, qui m’a pris beaucoup de temps, et je finis à la hâte, à cause de l’heure.

Je t’envoie des cheveux de ta fille ; je te dirai un autre jour pourquoi cette petite folie.

Je n’expédie rien aujourd’hui par les bureaux ; tu as reçu sans doute toutes mes lettres pour ça et là. Adieu, bonjour, je t’embrasse mille fois ; midi sonne.