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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/323

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d’un homme qui regorge d’amour dont il ne sait que faire. La touchante amitié pourrait le soutenir peut-être, mais Mme D. [d’Eu] est sèche et légère ; au reste, si elle était autre, il pourrait trop l’aimer pour sa tranquillité : car tout son mal vient d’une trempe sensible, mais sans énergie ; il a besoin d’une compagne moins pour remplir son cœur que pour le supporter. Je juge tout cela à son insu, car avec l’air de chercher à s’épancher, il ne sait le faire. En causant, je reçois des lettres : une de l’ami d’Ant[ic], qui, pressé d’occupations, me fait le plaisir de me donner des nouvelles de ton départ ; une de M. Jubié[1], que tu verras et par laquelle il offre de t’être utile auprès d’un confrère de sa connaissance[2], sous l’inspection duquel sont les manufactures de tapisseries que tu as crues de sa dépendance ; une enfin de M. Garlé[3] de Saint-Quentin, proposant plusieurs questions sur des objets de fabriques, te priant de lui faire passer quelques bobines d’échantillons et t’envoyant un mandat pour toucher le montant de cette dépense. Je vais lui répondre, non à ce qu’il désire, mais pour l’instruire de ton absence, etc., et le préparer au retard indispensable. Enfin le Cornard[4] m’a répondu en me faisant des excuses et disant qu’il croyait accuser la réception des objets envoyés en te faisant passer les états d’Abbeville, qu’il n’a pu encore obtenir, mais qu’il enverra sous peu.

J’attends mon musicien avant de sortir ; je veux écrire à Saint-Quentin.

  1. Pierre-Joseph-Fleury Jubié, inspecteur des manufactures à Clermont-Ferrand (Alm. royal de 1783, p. 271). En 1790, devenu inspecteur honoraire, il fut à Clermont, avec Bancal des Issarts, un des fondateurs de la Société des Amis de la Constitution (Mègre, p. 18). Il fut plus tard député de l’Isère au Conseil des Cinq-Cents, puis au Corps législatif, etc., et finit sa carrière comme secretaire général de la Seine-Inférieure (Dict. des Parlementaires.)
  2. M. de Château-Favier, à Aubusson.
  3. Nous ne savons rien sur Garlé. C’est probablement de lui qu’il est question dans une note du Dictionnaire des manufactures (I, 60) où Roland remercie, en regrettant de ne pouvoir la nommer, « une personne très instruite » de Saint-Quentin, qui lui a fourni des reseignements pour son article sur le blanchiment des toiles.
  4. Madame Roland joue sur le nom de Conard Duperron, l’élèvre inspecteur.