Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/715

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Toutes les belles choses de ce complimenteur n’ont pas empêché que son instruction ne me fît de la peine ; il répétera cela à tout le monde, s’appuiera peut-être du témoignage qu’il m’a forcée d’y ajouter ; et, si les intéressés recueillent quelques propos dans le monde, ils croiront que j’ai été me vanter de ce que je leur ai fait faire.

Je me suis efforcée d’obvier à une partie des inconvénients en disant tout le bien possible de M. de Villers et présentant sous un jour excusable ce qu’on pourrait lui reprocher ; mais c’est précisément la partie historique toujours oubliée des bavards.

Sans transition, je te dirai que j’ai fait ces jours derniers une découverte désagréable : il résulte de la lettre, fort bien faite, autant que je puis le juger, d’un médecin dont le nom m’échappe, et qu’il a adressée aux rédacteurs du Journal de Paris, il résulte, dis-je, que moi qui, à plus de dix-huit ans, ai souffert durant plusieurs mois des suites d’une maladie qu’on a prise pour la petite vérole[1], il résulte que je n’ai pas eu la petite vérole, mais seulement la variolette qui en diffère essentiellement et n’en met pas à l’abri. Les distinctions m’ont paru très bien établies ; ma maladie est assurément fort bien décrite, seulement elle fut rendue dangereuse par la complication d’une inflammation, d’une fièvre miliaire, etc. Mais ce que j’ai pris pour la rentrée, accidentelle et fâcheuse, de ma petite vérole était l’effet tout simple de la variolette, dont les boutons gros, rares et flasqueux ne suppurent jamais ; j’ai retrouvé jusqu’au nom italien ravaglioni dont mon médecin[2] qualifia, dans le temps, ma prétendue petite vérole, en me laissant croire que je l’avais dans les règles ; nom que je ne m’étais jamais avisée de vérifier.

Je n’ai jamais eu peur de la petite vérole, même avant de croire l’avoir essuyée ; mais j’avoue que, sans m’en occuper aujourd’hui, je trouve que tu m’as rendu la vie trop chère pour ne pas voir avec déplaisir qu’il est un danger de plus, et un danger commun, auquel

  1. À l’automne de 1772. — Voir lettre à Sophie Cannet du 16 août 1773, et Mémoires, II,p. 126.
  2. Missa, médecin, rue Barbette, au Marais, et censeur royal. — Voir sur lui Mémoires, II, p. 125-128.