Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/894

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de la détermination prise en conséquence[1]. Que doit-on penser aujourd’hui ? Le départ du duc d’Orléans[2] fait répandre ici des bruits fort étranges ; on prétend qu’il était d’accord avec la Reine, en apparence, pour lui conseiller des sottises, comme éloignement du Roi, etc., afin de profiter des troubles et se faire nommer lieutenant général, ou régent, ou roi ; que, dans cette disposition, craignant les hommes exacts et fidèles dans leur patriotisme, il tramait sourdement contre le marquis de La Fayette et avait fait mettre sa tête à prix. Je ne crois pas à la vertu, aux principes du duc d’Orléans : j’ai toujours eu quelque méfiance de l’étalage qu’il en faisait dans les précédentes circonstances ; mais j’ai peine à me prêter à la croyance du projet et de la scélératesse qu’on lui attribue aujourd’hui. Qu’en pense-t-on et que s’en dit-il dans votre capitale ?

M. Videau de la Tour[3], parent de plusieurs de nos connaissances, et actuellement dans cette ville, répète, comme tous les fugitifs, que tout est renversé et Paris dans le trouble. De quoi donc a été soupçonné ce personnage ? On dit qu’il avait été arrêté à Paris durant quelques jours et on ne dit pas comment il s’est échappé.

Je vous ai fait part des clabauderies indécentes de Monnier[4] dînant ici chez les Bergasse[5] ; on ne doute pas qu’il ne souffle le feu dans sa province, et c’est ce que font tous vos déserteurs.

Un député écrivait dernièrement dans cette ville qu’il ne pouvait

  1. C’est le 10 octobre que l’Assemblée avait repris la discussion sur les biens du clergé, et c’est le 2 novembre seulement qu’elle rendit le décret qui les nationalisait.
  2. Du 14 octobre.
  3. M. Videau de La Tour, maître des requêtes, directeur de la librairie en 1785, était seigneur de Monceaux-en-Dombes, village à trois lieues de Villefranche, sur la rive gauche de la Saône. Il avait été, en mai 1789, un des cinq commissaires envoyés par le roi pour amener l’entente entre les trois ordres (Beaulieu, I, 154). Arrêté à Paris au commencement d’octobre, puis relâché, il paraît avoir été incarcéré de nouveau en novembre (Tuetey, II, 960, 1006). Nous le voyons plus tard transféré de l’Abbaye à la Conciergerie, le 27 juin 1791 (ibid, 3166). Cf. Lescure, Correspondance secrète, II, 398.
  4. Mounier, après les évènements des 5-6 octobre, avait donné, le 8, sa démission de député et se rendait en Dauphiné pour essayer d’agiter sa province.
  5. Nicolas Bergasse, né à Lyon en 1750, mort en 1832, si connu comme adversaire