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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/974

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Cette marche me semble bien singulière lorsqu’il s’agit d’aller maintenir une loi dont l’exécution est pressante. El cependant le drapeau rouge demeure déployé et la loi qui ordonne la continuité des perceptions toujours enfreinte.

Assurément, le ministère ou la municipalité est coupable, et peut-être y a-t-il intelligence entre eux. Rapprochez cela de ce qu’on a su précédemment des intrigues de la Savoie[1] et de ce qui se brasse dans la capitale, et jugez s’il est permis à de bons citoyens de trouver que l’histoire et la conduite de Lyon soient naturelles et simples. Cependant encore, les instigateurs ont le loisir de préparer leurs poisons, de maintenir quelque sourde agitation dans le peuple et, peut-être aussi, de ménager quelques excès nouveaux, pour nécessiter de nouvelles manœuvres correspondantes à leurs vues.

Assurément, le pauvre Blot perd bien son temps ; il a cru mieux faire que de suivre le premier projet, et il en aura fait manquer l’exécution sans rien mettre à la place. Il me divertit avec sa tranquillité à assurer qu’on n’accuse point notre ami ; il a donc pris de bien longues lunettes pour voir clair de si loin ! D’accusations juridiques, sans doute il n’y en a pas, puisque nous les défions ; mais de bruits publics, c’est une autre affaire ; il fallait bien qu’ils fussent grands et jugés tels par des tiers respectables, pour nous déterminer à les repousser, lors même que nous les méprisons dans leur source. Que Brissot fasse ou ne fasse pas mention de l’écrit justificatif[2], c’est assez indifférent ; il ne faut point le tourmenter pour cela ; l’écrit est fait pour Lyon, où existait la calomnie, il y est répandu, l’objet est rempli. Il ne s’agit pas de fermer la bouche aux méchants, mais de leur ôter les moyens de faire des dupes et de fournir aux honnêtes gens des raisons de défendre ceux qui leur ressemblent. Je trouve bien faibles les prétendus patriotes qui craignent la calomnie ou la censure et qui, par cette raison, voudraient des lois sur la presse ; un peuple n’est pas libre et ne saurait le devenir si chacun n’a la faculté de dévoiler les desseins perfides, de relever les abus du talent comme ceux de l’autorité, d’éplucher les avis de tout le monde, de peser les lois mêmes à la balance de la raison universelle et d’éclairer les dépositaires du pouvoir dans leur conduite journalière. Qu’importe qu’on soit calomnié, pourvu qu’on soit innocent et toujours prêt à le prouver. Cette espèce de guerre à la vertu me semble, au contraire, un excellent véhi-

  1. Voir les notes sur Trouard de Riolles et Bonne-Savardin. (Lettres des 21 et 31 juillet 1790.)
  2. La brochure de Roland, Aux amis de la vérité, citée plus haut (Voir lettre 366). Elle est du 28 juillet.