Page:Rolland - Au-dessus de la mêlée.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

30
AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

chantant la Marseillaise. — Tant est fort le cyclone qui les emporte tous ! Tant sont faibles les hommes qu’il rencontre sur sa route, — et moi, comme les autres…

Allons, ressaisissons-nous ! Quelle que soit la nature et la virulence de la contagion — épidémie morale, forces cosmiques — ne peut-on résister ? On combat une peste, on lutte même pour parer aux désastres d’un tremblement de terre. Ou bien, nous inclinerons-nous, satisfaits, devant eux, comme l’honorable Luigi Luzzatti, en son fameux article : Dans le désastre universel, les patries triomphent ?[1] Dirons-nous avec lui que, pour comprendre « cette vérité grande et simple », l’amour de la patrie, il est bon, il est sain que « se déchaîne le démon des guerres internationales, qui fauchent des milliers d’êtres » ? Ainsi, l’amour de la patrie ne pourrait fleurir que dans la haine des autres patries et le massacre de ceux qui se livrent à leur défense ? Il y a dans cette proposition une féroce absurdité et je ne sais quel dilettantisme néronien, qui me répugnent, qui me répugnent, jusqu’au fond de mon être. Non, l’amour de ma patrie ne veut pas que je haïsse et que je tue les âmes pieuses et fidèles qui aiment les autres patries. Il veut que je les honore et que je cherche à m’unir à elles pour notre bien commun.

  1. Publié récemment dans le Corriere della Sera, et traduit par le Journal de Genève (8 septembre).