Aller au contenu

Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
BEETHOVEN

qu’il est question de sa « Kränklichkeit[1] », de son « Kranksein[2] ». Et les lettres du mois de mai, à Ries et à la comtesse Erdödy, établissent avec netteté que le mal physique et moral, latent depuis février, s’installe en lui, depuis le début d’avril 1816, s’accompagnant de préoccupations de mort, qui vont maintenant peser sur son œuvre[3]. Au premier regard, il semble que le génie même soit atteint, à sa source. Ceux qui l’approchent en ont la crainte. Karl von Bursy, qui vient chez lui plusieurs fois, en juin-juillet 1816[4], ne

  1. 23 février 1816, lettre à Dorothea-Cäcilia.
  2. Deuxième moitié de février, à l’archiduc.
  3. Cela coïncide avec les charges nouvelles qu’il assume : — le petit Karl conduit à l’Institut d’éducation de Giannatasio (16 février) ; — les continuels soucis et altercations avec la mère ; — les questions de domestiques, qui vont prendre une place exorbitante (lettre-questionnaire à Zmeskall, du 5 septembre 1816), dès l’instant qu’il songe à reprendre son neveu dans sa maison (avis donné à Giannatasio, le 28 juillet) ; — le neveu repris chez lui, à la fin de septembre, après une opération chirurgicale ; — naturellement aussi, les préoccupations d’argent, qui deviennent plus harcelantes, avec l’augmentation considérable des dépenses (lettre à Ries, du 8 mai 1816, où il établit ses comptes) ; — une correspondance continuelle avec l’Angleterre, dont il espère des flots de Pactole (lettres à Ries, à Neate, à Smart, à Birchall, etc.). Mais comme sa force créatrice est très diminuée, il ne peut envoyer que des œuvres déjà connues ou médiocres, qui lui font tort et qu’on refuse. Et il en est encore plus irrité et déprimé.
  4. La relation de Karl de Bursy offre un des meilleurs portraits de Beethoven, au début de la période de crise, pendant la phase d’« hypochondrie » (le mot est de De Bursy) agitée et colérique. L’épuisement y fera suite. •— Pour le moment, « Gift und Galle wütet in ihm » (Il bout, de bile et de venin). Il maudit tout, il parle avec volubilité et violence, en frappant du poing. Quand il se tait il fronce le front et il a un aspect si sombre qu’il ferait peur. On dit, à Vienne., qu’il est atteint de folie intermittente (zuweilen walmsinnig). L’éditeur Riedl dit qu’il a le