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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/107

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

voit jamais ses deux pianos ouverts ; et il constate avec regret que, depuis longtemps, « il ri a rien composé de nouveau[1] ». Les amis de Londres, qui ont intéressé à lui la Société Philharmonique, sont déçus par la faiblesse de ses envois : trois ouvertures, dont aucune n’est nouvelle[2]. C’est bien pis encore en 1817 : Beethoven lui-même se regarde « comme perdu ». Le « pauvre Musikant autrichien, malade, persécuté, méprisé[3] », ainsi qu’il s’appelle en gémissant, « n’a jamais ressenti, comme à présent, la force ou la faiblesse de la nature humaine[4] »… Ses adversaires ont beau jeu ! Il ne produit rien. On dit qu’il est « fini »…


    spleen des artistes (Künstlerspleen). Il insulte les rois, les princes, les bourgeois. « … Tout est lumpig und schmutzig (ordure et gueuserie). … Du haut en bas, tout est Lump… ». Il parle très peu d’art, et beaucoup d argent… Il est « petit, assez fort, la chevelure en arrière, grisonnant déjà beaucoup, le visage rouge, des yeux de jeu, petits, mais enfoncés, et brûlants d’une vie énorme (ungeheuren). » — À remarquer d’ailleurs qu’ « il n’était pas, comme Jean-Paul, vêtu en haillons, mais en gala » (sondern ganz in gala). — Bursy lui trouve beaucoup de ressemblance (surtout quand il rit) avec un ami de jeunesse, Amenda, pasteur en Courlande, dont il lui apporte un message.

  1. On a vu que Fanny Giannatasio, dès les premiers mois de 1810, avait remarqué qu’  « il n’écrivait plus, ou qu’il ne pouvait plus… ».

    Cf. lettres à Charles Neatc, 19 avril 1817 : — « Depuis ma maladie, j’ai pu extrêmement peu composer… » — à la comtesse Erdödy, 19 juin 1817 : « Par le fait de mon état maladif, je puis peu écrire… ».

  2. Ouvertures des Ruines d’Athènes, — du Roi Stephan, — et Namensfeier (envoyées, le 5 février 1816, à la Philharmonie Society de Londres).
  3. « … einen armen krànklichen ôsterreichischen Musikanten… » (à Nanette Streicher, no 721) de Kalischer. — « …dieser arme, verfolgte, verachtete österreichische Musikant… » (à J.-N. Bihler, no 748 de Kalischer).
  4. « Nie habe ich die Macht oder die Schwäche der menschlichen Natur so gefühlt als jetzt » (20 octobre 1817).