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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/113

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

qui de la tribune semble haranguer les multitudes, et qui étale aux yeux des « Millionen » ses disputes d’Ezéchiel de la Sixtine avec soi-même, les débats de l’âme, logiques et passionnés ; — et le maître de l’« immer simpler » (toujours plus simple !), du « durchaus simpel Bitte Bitte Bitte[1] » (tout à fait simple, je vous en prie, je vous en prie, je vous en prie !…), du sempre più piano, du sotto voce[2], de l’art le plus dépouillé et du renoncement.

Certes, il a toujours existé, à tous les âges de sa vie, ce Beethoven d’intimité et d’intense recueillement ! Il s’est exprimé dans bien des méditations de quatuors, de sonates, et même de symphonies. Mais jamais au degré qu’il atteignit en ces années 1814-1818 (surtout depuis 1816) : cette volontaire humilité, dépouillée de toute rhétorique, de tout ornement, presque de vêtement, qui fait l’exceptionnel, la beauté nue du Liederkreis an die Geliebte. Le cou est tordu à l’éloquence. C’est la parole directe, — moins encore, le murmure de la pensée, le sentiment qui sourd du cœur. Il est des musiciens — (j’en ai connu, de grand renom) — qui disent que c’est à peine de la musique[3]. C’est là, précisément, la vertu unique de cette musique. Et qu’un

  1. Note en marge des esquisses du « pacem » de la Missa Solemnis (Nottebohm, II, 465).
  2. Cf. le « mit innigster Empfindung mezza voce » (avec le plus intime sentiment, à mi-voix), pour le troisième morceau (andante) de la Sonate op. 109.
  3. « Trop peu de musique pour moi ! » — comme me le disait aussi de Debussy un grand compositeur allemand, plus attaché à la substance qu’à l’essence.