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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/117

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

— « C’était, dit-il, un autre Gottesdienst (office divin) … Cette remarquable société, qui doit avoir sa place dans l’histoire, et dont Czerny était le principe agissant, cultivait avec prédilection la Kammermusik, cette mine inépuisable de la plus profonde et de la plus riche poésie musicale[1]… Tous les artistes et amateurs étrangers venaient ici, à la source de la plus pure poésie (lautersten Poesie), comme elle n’avait jamais coulé si pure et si claire depuis les temps du prince Lichnowsky, et comme, ajoute Schindler, elle ne coulera probablement jamais plus[2] ».

On remarquera ces mots répétés de « poésie la plus pure », — de « la plus profonde et la plus riche poésie musicale ». Ils nous disent ce que Beethoven représentait, pour l’élite de Vienne de ce temps : non pas seulement un musicien, mais un poète, et le plus grand. Grillparzer lui-même le reconnaissait.

Et c’est encore ce nom de « poète » (Selbstdichterin), que Schindler décerne à la plus grande des interprètes de Beethoven, en ces concerts, Dorothea von Ertmann[3], — celle que Beethoven appelait sa « Sainte-Cécile », sa « liebe werthe Dorothea-Cäcilia ». Depuis 1798 à Vienne, elle avait été l’élève de Beethoven, et, dans les salons, elle s’était,

  1. « … Die Kammermusik, die eigentliche unerschöpfliche Fundgrube der tiefsten und inhaltreichsten musikalischen Poesie. »
  2. D’après Schindler, les portes de ces concerts se fermèrent, à la fin dii cycle d’hiver 1820, Czerny n’étant plus libre de s’y consacrer. Et « bientôt l’apparition de l’opéra italien étouffa le goût pour la Klaviermusik de Beethoven ».
  3. De son nom de famille, Graumann, fille d’un riche fabricant d’Offenbach, mariée en 1798 à un officier.