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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/132

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BEETHOVEN

Mais le plus sûr est dans les indications, que Beethoven lui-même a inscrites en deux langues : allemand et italien :

En tête du premier morceau :

« Etwas lebhaft und mit der innigsten Empfindung. »

(« Un peu vif et avec le sentiment le plus intime.[1] »)

Si l’intimité du sentiment et la rêverie de ce morceau ne font point de doute, il n’y a rien en l’une et l’autre de vague, d’indécis et de nuageux. Le morceau, « d’une exiguïté inhabituelle », est frappant, même chez Beethoven, non seulement par son unité (c’est toujours une qualité maîtresse de Beethoven), mais par le resserré et le condensé de cette unité, d’où tout superflu de raisonnement ou de développement est exclu, — et, par-dessus tout, par son « fondu », par la magie de la demi-teinte, du clair-obscur, où s’atténuent les contours, souvent ailleurs découpés par Beethoven à l’emporte-pièce : ici s’opère, par délicates transitions, la fusion des éléments divers. — Ceci est la grande conquête de ces années. Beethoven a renoncé à ce que ses dépréciateurs ont appelé son éloquence de tribun. Et c’est tout simple : il n’y a plus de tribune publique en Autriche ; le Forum est fermé. Beethoven ne parle plus que pour soi et pour son Dieu.

Tout le morceau en 6/8 est issu des quatre premières mesures, de leur substance, de leur esprit. Et ces quatre mesures elles-mêmes sont faites de deux qui se répondent (Rede, Gegenrede), formant une « heimliche Wechselrede »,

  1. L’italien se contente de marquer le mouvement : « Allegretto ma non troppo. »