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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/136

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BEETHOVEN

et dans la force. Elle retourne à l’atmosphère du rêve, et elle en colore l’étoffe par les fines modulations de nuances, qui répondent à la palpitante délicatesse du sentiment. Rarement l’émotion et l’expression de Beethoven ont été d’une grâce aussi fluide, souple, discrète, tendrement féminine. L’esprit semble jouer avec ses réminiscences, il les savoure amoureusement, il s’y attarde, les yeux fermés, il s’y endort[1], pour mieux les goûter, avec un dernier crescendo, comme un soupir d’extase, qui se brise brusquement sur l’avant-dernier accord, pour s’évanouir p.

En résumé, ce premier morceau s’analyserait ainsi :

(Mes. 1-4) : Apparition d’une rêverie dans l’esprit ;

(5 et 6) : L’esprit s’y attarde et la contemple ;

(7-34) : Il s’y abandonne, mais en y mêlant son désir qui s’est allumé, et qu’il attise, qu’il caresse, jusqu’à l’état de 1 angueur amoureuse (25-34) ;

(35-57) : L’inquiétude et le tourment pénètrent le désir qui se fait exigeant et insistant, douloureux par moments, et reparaît sous maintes formes, à des échelles diverses et dans diverses tonalités.

(57-82) : Retour du sentiment (7-32), qui se satisfait de soi et jouit plus purement de la conscience qu’il en a ;

(De 88 à la fin) : Retombée volontaire dans l’état de rêverie tendre, toujours plus intime et plus étroite, comme une étreinte secrète ; engourdissement de bonheur, qui finit par s’exhaler en un soupir d’amour partagé.

  1. Rittardando jusqu’à la fin. Se bien garder de presser les dernières mesures.