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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/138

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BEETHOVEN

juste lecture du texte, strictement musicale. C’est une condition sine qua non. Il faut : 1o établir le texte exact, le plus souvent altéré par les erreurs ou les arrangements impertinents des éditeurs ; — et 2o (ce qui n’est pas moins nécessaire, mais beaucoup plus difficile) savoir lire, retrouver sous la robe de l’expression et sous ses broderies le corps vivant, le corps tout nu, l’Urlinie, — comme ç’a été, pour la philologie Beethovenienne, le très grand mérite de Ideinrich Schenker, — rétablir la ligne essentielle, qui, dans la création d’un génie, se déroule avec logique et nécessité, d’un bout à l’autre de l’œuvre, sans interruption. Il n’est pas permis de s’en passer. Qui ne s’en soucie et qui s’en tient à son impression aveugle, ne faisant rien que la traduire en un à-peu-près imagé — ou bien roman, ou paysage — ne compte point pour la musique qu’il prétend nous expliquer. Il chante à côté de l’œuvre. Il nous empêche de l’entendre. Peu nous chaut ce qu’il y voit ! Il nous faut la voir — ou mieux, l’entendre. Et pour cela, il faut d’abord la lire textuellement. — Mais ceci fait, je n’admets point le Verbot de M. Schenker ou de M. Riezler, la « Défense d’entrer » dans le champ secret de l’esprit créateur.

Le créateur musical se meut dans une atmosphère de subconscient, où le génie perçoit les plus secrets, les plus profonds mouvements de la pensée, et les dirige, sans être capable de se les traduire à lui-même en mots, sans réussir à les ramener du fond des mers à la lumière de la conscience raisonnée. Et c’est sans doute, pour les plongeurs, une entreprise périlleuse que de prétendre les y chercher et les remonter à la surface, au risque de les détruire. Mais c est