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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/150

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BEETHOVEN

à un véritable lamento entrecoupé de syncopes, mais sans jamais clamer, comme enfermé en soi, et ne permettant qu’à la dernière mesure un faible cresc., qui se résorbe presque immédiatement en un p.

Cette méditation attristée s’arrête à la 20me mesure, sur un point d’orgue d’attente, — d’où s’évade la pensée, non pas d’un bond — « non presto » — mais par une série d’élans, les premiers hésitants et revenant au point de départ, puis s’enhardissant peu à peu, et — « poco a poco tutte le corde »… L’esprit, décidément désenchaîné de sa sombre prostration, parcourt tout l’espace du clavier, en accélérant son vol[1]. — Mais rien ne lui fait prévoir, jusqu’à la dernière note, le soudain retour du rêve du début, le motif intégral des quatre mesures de l’allegretto, balancé sur son rythme de 6/8 :

« Tempo del primo pezzo : tutto il cembalo (aile Saiten) ma piano… »

Notons la nuance. Les premières mesures de l’allegretto étaient déjà marquées p., mais avec un cresc. decresc., comme une respiration qui soulève la poitrine. — Ici, rien, pas un mouvement, une vibration douce (dolce) et continue du cembalo dans le p., un rappel du rêve dans le silence attendri ; et cette évocation est coupée, au milieu, par un point d’orgue qui sépare les deux membres de la pensée. Après la quatrième mesure, encore un point d’orgue. L’esprit

  1. À aucun prix, on ne doit exécuter ce trait avec le brio superficiel et pressé d’une cadence : ce serait un contre-sens blessant.