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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/169

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

Beethoven. Cette étude générale est bien située ici : car le Liederkreis marque le faîte et, peu s’en faut, la fin de la production des lieder de Beethoven.

Cette partie de son œuvre a été, en général, très peu et très mal étudiée. Historiens et musiciens ont rivalisé d’incompréhension à son égard[1]. Et pourtant, une telle étude est d’importance, pour pénétrer l’essence de l’art et du génie Beethovenien. Si Beethoven (et nul n’en doute) a, dans la musique instrumentale, ses moyens les plus directs d’exprimer sa vie intérieure, il faut croire que la musique instrumentale ne lui suffit pas toujours, puisqu’après avoir amassé, dans la Neuvième Symphonie, Pélion sur Ossa, après nous avoir fait assister à ses efforts Prométhéens pour se frayer passage vers la lumière, il finit par la faire jaillir d’entre leurs blocs, comme un éclair : et c est le Mot. La majesté de la parole prend la couronne ; elle mène au combat, à la victoire, l’armée de la Symphonie. — Et depuis vingt ans, l’éclair guettait. Dans la sonate récitative de 1802, op. 31, no 2, on entend gronder le tonnerre sous la nue ; le mot reste suspendu, au seuil des sons. Toute sa vie, Beethoven, en chantant, a rêvé de dire

« Also gesungen auch vartreffliche Worte ausdrücken ».

  1. J’excepte de ce jugement la thèse de doctorat de Hans Boettcher : Beethoven als Liederkomponist (1928, Augsburg, Benno Filser Verlag), qui fait preuve à la fois d’une science et d’un goût très sûrs. —- Je lui ai dû beaucoup, pour ce chapitre.