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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/173

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

ont peu à nous apprendre sur le génie propre de Beethoven, — sinon par le choix qu’il en a pu faire et par leur harmonisation[1]

Restreignons-nous donc aux compositions personnelles de Beethoven, — ce qui ne veut point dire que dans toutes il a manifesté sa personnalité, ni surtout qu’il l’a fait, à un égal degré.

Il en est ainsi, d’ailleurs, des œuvres de tous les artistes. Une grande part d’entre elles est encore reliée au passé par un cordon ombilical et nourrie de sa substance. Il faut un temps de gestation, plus ou moins long, avant que le lien soit tranché. Et ce temps varie, non seulement d’un artiste à l’autre, mais, dans un même artiste, d’un genre d’art à l’autre. Les genres musicaux traités par Beethoven offrent des étapes diverses d’un développement inégalement avancé. Aucun de ces développements n’arrive sans doute à sa réalisation complète : cela ne se produit chez aucun grand artiste, dont la loi essentielle est de ne s’arrêter jamais, d’être en « devenir » constant : et c’est en quoi presque tous les critiques le trahissent, en jugeant de l’œuvre de sa vie comme d’un tout achevé : la brièveté de la vie et son imperfection font que, le plus souvent, l’œuvre en demeure à des ébauches ou des indications, plus ou moins poussées, dans telle ou telle direction. Surtout quand il s’agit de génies

  1. Dans sa lettre à Thomson, du 21 février 1818 (écrite en français), il insiste sur le soin scrupuleux qu’il faut donner au choix de l’harmonie ; — « On trouve, dit-il, un nombre infini d’harmonies ; mais seulement une est conforme au genre et au caractère de la mélodie ».