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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/174

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BEETHOVEN

novateurs. — Beethoven n’a dit son dernier mot, ni dans la symphonie, ni dans la musique de chambre. Mais il est clair, pour tous les musiciens, qu’il est allé plus loin dans la musique instrumentale que dans la musique vocale. — Ce n’est pas qu’il n’ait, dans cette dernière, atteint à l’intuition d’un art aussi personnel — je dirai même (contre l’opinion courante), d’une originalité aussi exceptionnelle, et qu’il n’ait réalisé cette intuition, par moments. Mais ces moments sont, relativement, brefs et tardifs. Il n’a vu et saisi clairement, dans le lied, que par éclairs, sa mission propre. D’autant plus devons-nous mettre en lumière ces moments privilégiés.

Il semblerait naturel que leur fréquence et leur intensité aient dû être en rapport avec le développement général de la pensée et de l’art de Beethoven. Mais, comme l’a bien aperçu Emmanuel Buenzod, dans son petit livre plein de vives lueurs « Pouvoirs de Beethoven » (1936), — en admettant la division d’une carrière créatrice en périodes distinctes, « la prédominance évidente d’un caractère dans une période n’empêche pas des caractères disparates de se manifester simultanément et d’offrir le témoignage de réussites isolées ». Les caractères de deux ou trois périodes peuvent s’entremêler, se chevaucher : et c’est le cas, souvent, chez Beethoven. Je dirai même qu’il n’y a, biologiquement, rien de surprenant à ce que l’adolescent soit, à certaines heures de méditation solitaire et annonciatrice, plus proche de l’homme qui a passé le midi de la vie, que ne l’est celui de la pleine maturité, qui est engagé dans la mêlée de l’action et des passions.

Il en est précisément ainsi chez le jeune Beethoven de