dix-huit à vingt ans, au lendemain de ses premières rencontres avec la tragédie de l’existence[1]. Un de ses lieder les plus profonds, les plus purement beethoveniens, Die Klage (la Plainte)[2] est de la fin de 1789 ou du début de 1790, comme l’admirable (l’incroyable, à pareille date) Cantate funèbre sur la mort de Joseph II[3]. Toutes deux liées[4], toutes deux isolées, dans leur grave et mélancolique concentration, entre des œuvres de juvénile insouciance, comme les 24 Variations sur « Vieni Amore », et le Ritter-ballet : — on dirait l’apparition, dans le miroir de l’adolescent à Bonn, du Beethoven de Leonore, — et, bien au delà, du vieux lion à la crinière grise de l’Elegischer Gesang et de Résignation.
Ce n’est pas tout : l’évolution générale de l’art de Beethoven — celle de sa musique instrumentale — ne suit pas exactement les mêmes chemins, ne passe point par les mêmes étapes successives que l’évolution particulière de
- ↑ Mort douloureuse de sa mère, âgée de quarante ans, 17 juillet
1787 ; — mort d’une jeune sœur, le 19 novembre de la même année ;
— hantise de ces images funèbres et de la menace de mort, qui se
manifeste dans une lettre du jeune homme, malade lui-même, au
conseiller v. Schaden, 15 septembre 1787 :
« … Depuis que je suis (de retour de Vienne) ici (à Bonn),… je n’ai cessé d’être pris par des étouffements ; et je dois craindre que la phtisie n’en soit la suite. À cela s’ajoute la mélancolie, qui pour moi est un mal presque aussi grand que ma maladie même… »
- ↑ Cf. vol. XXV du Supplément de la grande édition Breitkopf des ceuvres complètes. (no 25 du catalogue thématique de J.-G. Prod’horame : La jeunesse de Beethoven.)
- ↑ Composée entre le 20 février 1790, date de la mort, et le 19 mars de la même année, date de l’exécution projetée.
- ↑ Le manuscrit autographe de Die Klagc présente trois mesures du premier chœur de la Cantate.