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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/188

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BEETHOVEN

textes moraux et raisonnants, peu ou point musicaux : Der freie Mann, Der Mann von Wort, Die Liebe des Nächsten… tout un catéchisme de morale civique en musique[1]. — C’est justement ce qui paraît l’attirer. Bien entendu, ce catéchisme, il se l’approprie, il parle en son nom, il exhorte, il objurgue, il décrète, il questionne et il répond ex cathedra… « Eigentlich deklamiert », note-t-il sur un poème de Herder : Macht des Gesänges. — Pour cet office, le lied lui est bon : il satisfait à un des besoins de sa nature. — Non pas au seul. Beethoven flottera toujours entre deux tendances opposées : ou bien annexer le lied à la composition instrumentale, en y donnant la place prépondérante au clavier, — ou bien l’employer à des fins oratoires : en pédagogue, en pasteur, ou en tribun… Il y a de tout cela dans Beethoven. Si absorbant que soit le rêve musical, où tous ses jours sont immergés, il étouffe du besoin d’agir, de sermonner, de commander.

Des deux côtés entre lesquels il oscille, — ou de la musique qui déborde du lied, — ou de la musique emprisonnée dans le corps des mots, — Beethoven se heurte aux incompatibilités des lois des genres et des exigences de sa nature ; et il est rare qu’il réalise l’équilibre, — soit dans un flot de pure mélodie, qui recouvre, comme dans Adelaïde, un texte insignifiant, — soit dans une grande parole religieuse, qui tombe du haut de La chaire, comme dans les cinq premiers lieder de Gellert, que complète l’oraison de l’âme meurtrie (le Busslied), à l’ombre du confessionnal, sur qui tombe à

  1. Même les puissants lieder religieux de Gellert rentrent, partiellement, dans cette catégorie.