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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/189

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

la fin la lumière de la rémission, — soit dans ces chefs-d’œuvre de poésie musicale, inspirés de Goethe, en 1808 et 1810 (Wonne der Wehmut et les quatre Sehnsucht), mais dont Goethe n’admet pas l’intrusion au plus intime de sa pensée ; et sa désapprobation tacite a découragé sans doute Beethoven de poursuivre dans cette voie.

Jusqu’au seuil de la grande crise finale, où l’homme vieilli avant l’âge, désabusé de ses combats avec la vie — avec la vie des autres — se replie sur sa propre vie intérieure, dans de vastes œuvres instrumentales, et n’a plus grand chose à demander au lied, Beethoven, dans la puissante période de sa maturité créatrice, n’a pas forgé sa forme "propre du lied, — sans doute parce qu’il n’est pas arrivé à se mettre au clair sur ce qu’il voulait de lui. Le lied lui a été, par moments, un Ersatz, au détail, de l’opéra, qu’il a toujours rêvé de s’assujettir, et où il s’est épuisé en remaniements, pour la scène, de Fidelio, son enfant chéri et infortuné. Son dernier effort d’annexer le parler dramatique au lied est de 1813, avec sa deuxième version de An die Hoffnung, op. 94, sur un chant de l’Urania de Tiedge. Ce grand monologue récitatif, suivi d’un long air da capo, dont l’emploi était alors dépassé et suranné, est sa suprême tentative pour objectiver sa pensée, en la mettant en scène, comme il avait fait dans les grands airs de Léonore.

Après, il renonce. Il renonce à s’imposer, soit du haut d’une tribune, soit d’une scène de théâtre. Il ne pense plus au public. Il est seul avec soi…

Et c’est justement à cette heure de solitude, que la grâce vient. Il esquisse, en deux ou trois œuvres, en quelques