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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/191

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

médecin de vingt-deux ans, se révéla plus tard comme un héros du devoir. Pendant une redoutable épidémie de choléra à Brünn, qui avait fait fuir de la ville les autres médecins et infirmiers, il fit placer son lit dans la salle des malades, à l’hôpital, et sans dégoût ni peur, se dévoua à leur service. — Pour le moment, en 1816, il publiait, dans les Almanachs de Vienne, de petits poèmes, pleins de sensibilité. Beethoven retrouva dans celui-ci son ancien thème, son thème de tous les temps, la Sehnsucht[1] pour « l’éternelle aimée », — qui changea souvent de nom et de forme, au cours de la vie de Beethoven, mais qui demeure toujours absente, et qui s’éloigne toujours plus, et dans l’espace et dans le temps. Ce sentiment de l’éloignement se fait, en ces dernières heures de la journée, avant la nuit étoilée, plus poignant au cœur de Beethoven.

Il se met à l’œuvre et, dit Schindler, il écrit la musique, en quelques semaines d’avril. — Mais il s’en faut de beaucoup que la pure et simple mélodie soit sortie, d’un seul jet. Beethoven a dû apprendre, toute sa vie, à ses dépens, — (et c’est pour nous tous un enseignement) — que la simplicité de l’expression la plus parfaite n’est pas le fruit spontané de la sincérité du cœur, mais qu’il faut péniblement la conquérir, en la dégageant par un travail acharné, de la banalité et du mensonge, où la paresse de l’habitude, le moindre effort, tiennent notre parole engluée.

  1. À remarquer d’ailleurs que de multiples essais pour le lied : Sehnsucht (pp. 332-333 de Nottebohm) précèdent immédiatement, les esquisses du Liederkreis (pp. 334-339).