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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/195

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

« und ein liebend Herz erreicht
was ein liebend Herz geweiht[1] ».

Cette exposition remplit le premier lied. — Commence, après, le rêve d’amour évoqué par les chants. Par des moyens très simples, un point d’orgue, une mutation imperceptible de tonalité et d’atmosphère, la chute dans le rêve est suggérée. Le rêve chanté se déroule dans les quatre lieder qui suivent (2. 3. 4. 5.)… Ce sont des visions de paysages calmes et fins, que vient peupler la Sehnsucht, l’innere Pein, Liebesgewalt… vallons fleuris, forêts pensives, nuages et ruisseaux, buissons d’automne, chants d’oiseaux, brise tiède. Mai qui revient, couvée heureuse des hirondelles… Partout sourit le visage de la bien-aimée, et tout lui est message du cœur aimant… — Mais ce bonheur d’illusion se lasse et retombe. Celui qui aime se retrouve seul, plus seul qu’avant : « ses larmes sont tout son gain »[2].

Le dernier lied nous le montre, comme au début, assis au faîte de la colline; le soleil vient de disparaître, le rouge crépuscule (Dämm rungsrot) colore le lac paisible et bleu, le dernier rayon s’éteint derrière les cimes. Et le solitaire offre à la bien-aimée la gerbe de ses chants, pour qu’elle les chante à son tour, dans la même lumière du soir. Et elle les chante — (le cœur aimant veut le croire) — elle chante ces chants sans art et passionnés, qui sont les fleurs de la

  1. « Et ce qu’un cœur aimant a consacré, — atteint aussi un cœur
    aimant. » (Le mot : « weihen », difficile à traduire, implique un pouvoir
    de consécration, en quelque sorte saint et magique.)
  2. Fin du lied 5.