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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/209

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

et d’un second dimin., comme une chute au fond d’un pp. Ce n’est que dans les deux dernières mesures (même pas entières), que, par une crispation de la volonté, un crescendo bref et violent rejaillit du fond, et conclut sur un f. sf… On dirait un : — « Malgré tout ! », qui se refuse à accepter, qui nie le découragement et la douleur des phrases précédentes.

Si vif et si poignant que soit l’intérêt psychologique de ces dernières pages, la passion y tient trop peu de compte des nécessités vocales — « Qu’est-ce qu’un sacré violon, — (ou qu’une voix), — quand l’Esprit me souffle ? … » — Et l’on comprend le gémissement du maître Hofkammersänger Max Friedleender, devant cet « allegro molto e con brio », où, dit-il, « Beethoven semble emporté par un démon instrumental ». Même, il advient qu’en transposant l’instrumental dans le vocal, Beethoven soit plus livré au démon que dans le pur instrumental. « Lui qui, dans ses codas instrumentales, écrit Friedkender, sait résumer en quelques traits, d’une façon incomparable, l’essence de ce qui précède, il ne sait pas finir ici, et il amoindrit l’effet, par les répétitions ». — C’est un jugement de métier : esthétiquement, il est exact. Mais il s’oppose au jugement psychologique. Comme il advient souvent chez Beethoven, l’homme fait irruption dans l’œuvre, avec sa fièvre et ses passions, et c’est parfois au détriment de la perfection de l’œuvre en soi. Mais il est des imperfections qui ajoutent à la fascination de certains visages : car elles nous les rendent plus proches et plus humains. Qui renoncerait à cette éruption de la passion, qui rompt les lignes et qui bouleverse l’harmonie de la conclusion