Aller au contenu

Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

ramique le chemin parcouru, dans ces dix ans Beethoveniens, j’entre, sans attendre, dans la période de la grande Crise, où Beethoven a touché vraiment aux rives de la mort, — je dis, de la mort totale, celle de l’esprit comme du corps, — et, par un miracle intérieur, est ressuscité, dans un élan de vie et d’art plus hauts. Il m’a paru qu’une telle étude pénétrait au plus secret, au plus poignant de l’art vivant, en pleine chair de la création. Son intérêt remplit les cadres de l’histoire musicale, et les dépasse.



Le drame de Beethoven, en ces années de crise, nous ouvre accès à ces terres inconnues de l’âme, qu’enveloppe la fluorescence du Subconscient. Là se déroule l’énigme de la création, la vie profonde et mystérieuse, dont les lois commandent l’œuvre et les jours. Chez aucun artiste, cette vie n’a été plus abondante que chez Beethoven, obligé par son destin au repliement perpétuel. Et chez aucun n’abondent davantage les moyens sûrs de la connaître que chez cet éternel solitaire, qui écrivait son dialogue passionné avec soi-même, et dont la main aveugle et docile traçait fidèlement sur le papier les tâtonnements, les élans et les replis de l’esprit créateur. L’œuvre de Beethoven ne nous apparaît point seulement en son état d’achèvement. Nous la voyons cheminer, au fond de l’esprit, dès ses premiers pas incertains. Le créateur lui-même ignore souvent son sens,