ramique le chemin parcouru, dans ces dix ans Beethoveniens, j’entre, sans attendre, dans la période de la grande Crise, où Beethoven a touché vraiment aux rives de la mort, — je dis, de la mort totale, celle de l’esprit comme du corps, — et, par un miracle intérieur, est ressuscité, dans un élan de vie et d’art plus hauts. Il m’a paru qu’une telle étude pénétrait au plus secret, au plus poignant de l’art vivant, en pleine chair de la création. Son intérêt remplit les cadres de l’histoire musicale, et les dépasse.
e drame de Beethoven, en ces années de crise, nous
ouvre accès à ces terres inconnues de l’âme, qu’enveloppe
la fluorescence du Subconscient. Là se déroule
l’énigme de la création, la vie profonde et mystérieuse, dont
les lois commandent l’œuvre et les jours. Chez aucun artiste,
cette vie n’a été plus abondante que chez Beethoven, obligé
par son destin au repliement perpétuel. Et chez aucun
n’abondent davantage les moyens sûrs de la connaître que
chez cet éternel solitaire, qui écrivait son dialogue passionné
avec soi-même, et dont la main aveugle et docile traçait
fidèlement sur le papier les tâtonnements, les élans et les
replis de l’esprit créateur. L’œuvre de Beethoven ne nous
apparaît point seulement en son état d’achèvement. Nous
la voyons cheminer, au fond de l’esprit, dès ses premiers pas
incertains. Le créateur lui-même ignore souvent son sens,