J. G. Sulzer, A. Chr. Koch, et plus récemment Chr. F. D. Schubart[1]. Le rationalisme du temps attribuait à chaque tonalité un caractère objectif ; et il paraissait inadmissible qu’on employât, par exemple, le mi majeur, pour une expression triste ou mélancolique[2]. Il était réservé aux douces passions et aux femmes[3]. Cela n’avait point empêché Beethoven de le choisir pour « Wonne der Wehmut ». Il reconnaissait pourtant l’intérêt des études de Schubart. Mais, dans la pratique, son instinct allait à l’encontre des prescriptions et des usages ; il ouvrait les portes à l’individualisme romantique, qui devait faire sienne la revendication de Zelter :
« Man könne in jeder Tonart jedes aussprechen. »
(On peut, dans toute tonalité, tout exprimer.)
Ce que Schumann reprendra, en le légitimant :
« Le vrai compositeur est maître de ce qui lui convient, comme le vrai peintre de ses couleurs.[4] »
Les « couleurs » de Beethoven, ou plutôt son « coloris » diffèrent de ceux des compositeurs-poètes de son temps.
- ↑ « Ideen zu einer Aesthetik der Tonkunst, 1806, Vienne. — Dans le livre, déjà cité, de Hans Boettcher : Beethoven als Liederkomponist, on trouvera un chapitre excellent sur les caractères propres des tonalités, d’après l’esthétique du xviiie siècle allemand.
- ↑ « Les yeux lui sortent de la tête, qu’il doive entonner un Miserere en mi majeur ! » (citation de 1703 par Boettcher).
- ↑ J.-J.-W. Heinse : Hildegard v. Hohental, 1795, t. I, p. 236.
- ↑ « Der wahre Komponist trifft von selbst das Rechte wie der wahre Mater seine Farben. »