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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/222

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BEETHOVEN

Dans ses lieder, il use très rarement des tonalités mineures[1]. Et tandis que Tomaschek, traitant le même sujet : Résignation, traduit le poème en fa mineur, dans cette tonalité que Schubart définissait : « aspirant à la tombe » (der grabverlangenden Sehnsucht), et Koch : « de tristesse profonde » (der tiefer Traurigkeit), — Beethoven affirme le ré majeur, ferme et viril.

Tel est bien le caractère qu’il entend donner au morceau. Même dans l’expression du plus complet découragement, un Beethoven ne s’abandonne pas, et surtout il ne larmoie pas… « Les artistes sont de feu, ils ne pleurent point[2] ».

C’est précisément de « feu » qu’il s’agit, — d’une lumière qui s’éteint. Même si elle s’éteint, elle est de feu jusqu’à sa lueur dernière, — au dernier mot : celui de « Licht » : « … Lisch aus, mein Licht ! »

La résignation de Beethoven est « décidée » (jedoch entschlossen), elle ne gît point, elle ne se tient pas immobile, elle meurt debout, et en marchant (in gehender Bewegung) — comme disent les indications de nuance et de mouvement[3]. Le rythme croche = 76 ne fléchit que dans les quatre

  1. À l’exception du beau lied de jeunesse : Die Klage, toutes les conclusions des lieder de Beethoven, remarque Boettcher, sont en majeur.
  2. À Bettine, mai 1810.
  3. Les indications, au début du morceau, sont très précises :

                   « In gehender Bewegung » (croche = 76).

    (Mit Empfindung, jedoch entschlossen, wohl accentuirt und sprechend vorgetragen.) — (Avec sentiment, mois résolu, bien accentué et recité en parlant.)