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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/234

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BEETHOVEN

aux jambes, lourds à traîner. Mais ils ne suffisent pas à expliquer l’extrême dépression morale et le désespoir, dont la seconde moitié de 1817 touche le fond, et dont le lied : Résignation est l’expression quasi-testamentaire. — Car nous le verrons plus tard remonter la pente, en continuant de traîner ses boulets. Les harcelants ennuis domestiques sont permanents, ils persisteront, plus lancinants encore peut-être, pendant l’été 1818 et 1819[1]. Les absorbants, les exaspérants procès de tutelle se prolongeront jusqu’au milieu de 1820, et les soucis d’éducation ne cesseront jamais. Enfin, les plus graves maladies s’acharneront sur lui, depuis l’été 1821, et ne le lâcheront plus qu’à sa mort, sauf par brèves périodes de répit. Sa création n’en a-t-elle pas alors été plutôt aiguillonnée que ralentie ?

Il est, dans l’évolution d’un être, des processus mystérieux qui ne se réduisent pas aux seuls effets des circonstances extérieures, voire même de l’état physique apparent. La vitalité profonde a ses lois, que connaissent, sans pouvoir le plus souvent les expliquer, ceux qui sont soumis à ces marées. Il y a des agonies et des résurrections du fond de l’être, qui ne concordent pas toujours avec ses variations extérieures : tantôt, elles les devancent et les annoncent, — tantôt, elles les dépassent.

L’agonie physique et morale de Beethoven se prolonge jusque vers le mois de mars 1818[2]. Dans ses lettres (à Ries,

  1. C’est pendant 1819, année féconde en création, que Schindler note, dans le journal de Beethoven, ses démêlés les plus aigus avec les domestiques.
  2. Cipriani Potter, dont le témoignage est de marque, l’a visité