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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/24

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BEETHOVEN

l’action générale le profond travail qui n’a cessé de s’accomplir, au centre de l’esprit. Ce travail intérieur et les formes sensibles qui s’en traduisent par le canal de l’art, participent à la même évolution collective, au même devenir, que les événements éclatants, inscrits au livre de l’histoire. Il faut donc en replacer l’étude, au cœur de l’histoire, dont ils décèlent les profondeurs.

Quand, par exemple, on dit, ainsi que font nos musicologues, que la pensée de Beethoven s’incorpore dans la forme « Sonate » de son temps, on n’a rien dit, si l’on s’en tient au simple démontage du mécanisme d’horlogerie — on n’a rien dit que pour les apprentis horlogers. Mais ce qui nous intéresse, nous tous, les hommes, c’est de savoir pourquoi cette forme « Sonate » s’est imposée à l’esprit d un temps, et quelle était donc sa signification essentielle, en quoi elle répondait à un besoin de l’intelligence, à un moment de l’évolution psychique de l’homme individuel et social.

Les lois de cette évolution s’imposent souvent aux artistes, avant qu’ils aient conscience des horizons qu’elles ouvrent à l’esprit. La première génération de ceux qui ont, au xviiie siècle, découvert et fondé les nouvelles formes musicales — (dans la période intermédiaire entre la mort de J. S. Bach et la maturité de l’art de Haydn et de Mozart) — ne s’est pas beaucoup préoccupée de remplir ces formes avec la matière vivante de l’esprit. Le jeu des formes vides lui suffisait. Une symphonie de Stamitz se satisfait aisément des simples effets tout extérieurs d’ombres et de lumières, de crescendo et de diminuendo, de contrastes sonores. Les premiers constructeurs de l’architecture : « Sonate » (pre-