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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/241

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

le ciel mouillé de Bohème, pendant l’été pluvieux de 1812, immédiatement après la Symphonie des forêts, la Septième, — au milieu des esquisses pour le premier et le quatrième morceaux de la Huitième. Beethoven écrit une esquisse musicale, qui doit être chantée sur les paroles : « Freude schöner Götter Funken, Tochter aus Elysium… » Mais il s’agit d’une Ouverture : (Overture ausarbeiten). Et le thème est en effet celui qui sera repris, mais sans paroles, en 1814, pour l’Ouverture op. 115 : « Zum Namenstag unsers Kaisers »… Un exemple de plus, et non des moins ironiques, des compromissions de pensée auxquelles, trop souvent, Beethoven se laisse descendre, pour satisfaire aux obligations sociales : le thème de la Joie et de la Liberté devient celui de l’Empereur de la Sainte-Alliance !

Et le mensonge est d’autant plus flagrant qu’immédiatement après l’esquisse première de l’Ode à la Joie, Beethoven avait écrit, dans son cahier, ce passage, retranché, depuis, de la rédaction définitive de l’Ode à la Joie :

« Fürsten sind Bettler ».

(« Les princes sont « ou seront » des mendiants[1]. »)

De toute l’ode de Schiller, la pensée que Beethoven mettait au premier plan était, à ce moment, celle du nivellement

  1. Exactement, sur la feuille d’esquisses : « abgerissene Sätze wie Fürsten sind Bettler u.s.w., nicht das ganze. » (Des morceaux détachés (de l Ode de Schiller), comme : « Les princes sont des mendiants », etc., mais pas tout l’ensemble (de l’Ode).)

    Et plus loin : « abgerissene Sätze aus Schillers Freude zu einem ganzen gebracht. » (Faire un tout avec des morceaux détachés de « La Joie » de Schiller.)