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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/244

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BEETHOVEN

Beethoven, dont il est, à tant d’égards, le modèle inégalé, lui ressemble en ceci ; mais je crois que, chez Beethoven, le subconscient était beaucoup plus fort. Sa « Joie, fille de l’Élysée », a cheminé, comme une Fortune aux yeux bandés, plus de trente années.

Au temps où subitement s’ouvrait, dans une nuit de 1815, le premier bourgeon d’un des rameaux de la Neuvième Symphonie, Beethoven semblait avoir laissé tomber la pensée de cette œuvre projetée en 1812. C’était à une autre qu’il songeait, et que sa vie trop brève et tourmentée n’eut point le temps d’exécuter : la symphonie-quatuor, auquel seraient venus s’ajouter, l’un après l’autre, au cours de l’œuvre, les autres instruments[1].

Les premières véritables esquisses pour la Neuvième, vraiment conscientes, apparaissent seulement en 1817 ; et, cette fois, elles se succèdent avec logique et volonté. Le temps est venu… Or, quel est ce temps ? 1817, l’année terrible, celle de la ruine, l’agonie !…

À la fin d’octobre 1823[2], Beethoven, voulant enfin introduire l’ode chantée de Schiller dans le finale de sa symphonie, inscrivait, au-dessus des esquisses du chaos

    vrai corps où s’incarner. Les médiocres se satisfont d’un à-peu-près, d’une expression standardisée. Et cependant, il n’est point rare que leur idée soit de l’essence des génies. C’est tout profit, quand un de ceux-ci, — un Hændel — la reconnaît et se l’approprie. Elle l’attendait.

  1. « Sinfonie erster Anfang in bloss 4 Stimmen 2 Viol. Viola Basso dazwischen forte mit andern Stimmen u. wenn möglich jedes andere Instrument nach und nach eintreten lassen » (Nottebohm, II, p. 158).
  2. Date donnée par Schindler.