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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/247

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

vu qu’il se servait pour évoquer le premier morceau de la Neuvième, sortie du fond du désespoir.

Et en effet, les deux œuvres sont jumelles. Elles naissent ensemble. Les premières esquisses du premier morceau de la sonate semblent dater d’environ septembre à novembre 1817. Et pas plus que la Neuvième n’entrevoit, quand elle commence, la joie qui viendra la couronner, à la fin, — la sonate ne se doute, à ses premiers pas, vers quel torrent de force allègre elle s’achemine. Le premier élan qui la secoue, le coup de fouet de la grande phrase du début, semble précéder, de très peu, l’installation, en mai 1818, à Môdling et la résurrection, au’contact de la terre des champs[1]. Encore verrons-nous, dans notre étude de la sonate, que l’apparition de ce motif, qui va réveiller et faire rebondir tout l’Allegro, jusqu’alors incertain de son cours, n’est pas compris de Beethoven, au premier instant (17 avril 1818), puisqu’il l’applique à un compliment de cour ! [2]… Tant la puissance du subconscient devance, chez lui, la volonté intelligente 1 Et cette force de la nature, dont il paraît prendre

  1. Dans une visite de Cipriano Potter, antérieure au 5 mars 1818 (date d’une lettre de Beethoven à Ries, qui en fait mention), Beethoven dit à Potter, qui admire son Septuor : — « En ces temps-là, je ne savais pas composer. Maintenant, je pense que je le sais. » (Ich wusste in jenen Tagcn nicht zu komponieren Jetzt, denke ich, weiss ich es.) — Et il ajoute : — « Maintenant, j’écris quelque chose de mieux. » (Jetzt schreibe ich etwas Besseres.)

    Il paraît bien que Potter l’a entendu, à Môdling, composer la sonate (tantôt avec des harmonies inouïes, — ou des disharmonies dues à sa surdité, — tantôt avec des passages tendres et rapides…).

  2. Voir page 231.