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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/26

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BEETHOVEN

cette mort perpétuelle des formes, où nous exprimons notre sensibilité d’un jour. Mais ce πάντα ρεῖ entraîne dans son fleuve toutes les formes de la vie — l’homme, les hommes, leurs passions, leurs expressions, l’action et l’art — toute l’histoire. Le petit monde de l’esthétique n’est qu’un fragment du système, dont il subit les liens, les lois, les rayonnements. Qu’il ne prétende pas à une impossible existence à part ! C’est pour lui un assez beau titre de noblesse que de lui attribuer des correspondances mystérieuses avec l’essence profonde de l’esprit. Mais on méconnaîtrait gravement sa valeur réelle, en prétendant l’abstraire du milieu vivant et du jeu constant d’actions et de réactions qui s’exercent entre l’un et l’autre.



Un des plus spirituels compositeurs français de notre temps, Georges Auric, s’est pourtant fait le brillant champion de cette revendication d’indépendance[1]. Et, certes, nul mieux que lui n’a le sens du « pur discours sonore, avec ses magnifiques et bouleversantes successions de mélodies, d’harmonies, de rythmes liés par le seul génie » d’un créateur qui, dit-il, « n’a que faire de notre univers mesuré et stérile ». — « Le vrai miracle de la Musique », est, à son sens, que « nul art, plus qu’elle, ne nous détache, ne nous

  1. Nouvelles Littéraires, 1er février 1936.