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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/29

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

réactions contre son milieu — ἐκ τῶν διαφερόντων καλλίστην ἁρμονίαν. Ces réactions varient selon les cordes dont il joue : le son, le mot, la ligne, le volume, la couleur, etc. Mais c’est toujours le même instrument. Et les lois du jeu sont les mêmes. Si le musicien ne le voit pas, s’il s’attribue une mission privilégiée — (et chacun des arts croit de même) — c’est qu’il se place à l’intérieur de son art, et à l’extérieur des autres arts ; ne voyant ceux-ci que du dehors, il ne perçoit point la « musique » sous-jacente à la poésie, à la peinture, aux arts plastiques ; et, d’autre part, il se refuse à allumer sa lanterne et à scruter le sens psychique du vocabulaire, avec lequel il bâtit son chant. Il croirait tuer l’émotion de l’art ; il craint de faire fuir l’Amour, en penchant sur lui la lampe de Psyché. — C’est que Psyché est une maladroite : elle verse sur le corps du bien-aimé une goutte d’huile de sa lampe. Il faut tâcher que notre travail ne sente pas l’huile. Ne peut-on marier l’intelligence à l’amour ? Pour mieux aimer, mieux comprendre. Il n’aime pas bien, celui qui craint de voir ce qu’il aime, comme il est.

J’aime la musique, et je prétends la voir nue. Ces jeux sonores, ces combinaisons de rythmes et d’accords, ne valent pas seulement par les jouissances d’oreille qu’ils provoquent avec les rêves aveugles qui se déclenchent à leur suite ; ils relèvent de l’intelligence, qui, dans la création, à un degré de clarté plus ou moins vive, les a évoqués et organisés, et qui doit donc se retrouver dans l’analyse musicale que feront d’eux l’auditeur et le critique.

L’œuvre créée musicalement est un appareil enregistreur, où (que l’artiste le veuille ou non) s’inscrivent les phéno¬