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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/30

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BEETHOVEN

mènes et les lois de la vie intérieure. — Au premier plan, les « Empfindungen », les « Erinnerungen » [1], — les sensations, les sentiments, les souvenirs et les désirs, qui nourrissent la vie quotidienne. Au delà, le sous-sol de l’âme, — ce que le meilleur philologue Beethovenien (je pourrais dire : le maître de sémantique Beethovenienne) Heinrich Schenker, a nommé l’« Urlinie »[2], le « Lichtbild des Seelenkernes ».

Ce sont deux degrés de la conscience : — l’une, à fleur de vie ; — l’autre, des profondeurs ; — toutes deux liées, sans que l’intéressé, le plus souvent, s’en rende compte ; car son attention est absorbée par le mouvement de la surface, par la succession des événements et des émotions qui l’entraînent et contre lesquels il réagit ; il ne perçoit pas, sous cette agitation ininterrompue des jours, le battement du balancier, large et lent, qui marque le rythme de l’être intérieur. Mais en revanche, si quelquefois il arrive que l’artiste tâche de tricher avec sa conscience sentimentale et, par réaction contre l’expressionnisme, prétende écrire un art pour l’art, qui soit dégagé de sa vie passionnelle,

  1. « Mehr Ernpflndung als Tongemälde… » « Erinnerung an… » (Notes de Beethoven, sur les esquisses de la Symphonie Pastorale.)
  2. « La ligne essentielle », « la photographie du noyau de Vâme ».

    On trouvera, dans la longue introduction de H. Schenker à son édition critique de la Sonate op. 101, — (malheureusement entremêlées à des divagations de racisme germanique furibond) — de remarquables indications de cette « Geniekunde » (science du génie), qu’il apparente à 1’  « Himmelskunde », — de cette étude des mouvements intérieurs, des lois du génie moral, de l’Urlinie et des Urgesetzen de la création.