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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/31

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

il lui est toujours radicalement impossible de camoufler sa vie profonde, cette Urlinie, ce rythme, ces lois en quelque sorte élémentaires, qui commandent son esprit créateur, qui sont l’essence même de son être[1]. Et il advient qu’un

  1. Remarquons bien que cette essence de la création musicale — de l’être qui crée — est très dinsticte de « l’idée », qui s’imposera à un créateur musical comme Beethoven, et qu’il voudra faire vivre dans une œuvre. A. Heuss a très justement montré que, quand Beethoven s’attachait à un sujet idéologique : — Bonaparte, Leonore, Coriolan, etc. — il recourait à ses livres d’esquisses et y cherchait les phrases ou les motifs qui, par avance, correspondaient à son sujet.

    Et j’ai montré le même travail chez Haendel. « Son œil découvrait brusquement dans la « Ursprache » (langue élémentaire) de la musique, ce qu’il avait conçu sous forme d’idée. » (Cf. A. Heuss : Beethoven in der jüngsten Gegenwart, 1921, cité par Paul Mies : Die Bedeutung der Skizzen Beethovens zur Erkenntnis seines Stiles, 1925, p. 134.) Le « musikalische Urmotiv » (le motif musical élémentaire) est donc antérieur à « l’idée », et s’en distingue, de nature. Le plus intéressant pour nous est cette vie profonde du subconscient musical, qu’à un moment donné la conscience intellectuelle découvre — ou interprète... car il n’est pas sûr qu’elle ne se trompe quelquefois. L’artiste même peut ignorer le vrai sens des élans de sa vie intérieure, qui se traduisent en ces jets de motifs musicaux élémentaires (musikalische Urmotive). Si attentif que fût Beethoven au travail de sa pensée, si obstiné qu’il fût à le démêler, s’est-il lui-même douté — (à titre d’exemple) — du signe magique, sous lequel ont été conçues plusieurs de ses grandes œuvres du Réveil, entre 1817 et 1820, — cette semence musicale :

    [partition à transcrire]

    qui germe dans le cantabile du dernier morceau de l’op. 106, — qui est l’Urmotiv du Kyrie et du Prélude au Benedictus, — le grain mystérieux de toute la Messe, — l’eleison, — ce cri de pitié aux Forces