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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/322

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BEETHOVEN

Il est probable que Beethoven redécouvrit Bach, au contact du culte ardent de Van Swieten. Le culte de Bach et de Hændel était, chez le vieux mélomane, article de foi. Il s’était imprégné de leur art, au cours d’une mission diplomatique de sept ans, à Berlin, et il n’admettait presque plus d’autre musique. Il l’imposait, à Vienne, dans les concerts hebdomadaires de musique de chambre, qu’il donnait chez lui, le dimanche, à midi. Il donnait aussi d’autres concerts, le soir, et très avant dans la nuit : car « le vieux monsieur », écrit Schindler, « était un musikalischer Nimmersatt » (un jamais rassasié de musique) ; et il retenait toujours très tard le jeune Beethoven[1], pour lui faire exécuter une série de fugues de Bach, « en bénédiction du soir » (zum Abendsegen). — Ceci se passait, dès 1792[2]. D’autre part, Wegeler nous apprend que, vers 1794-95, chez le prince Lichnowsky, un comte hongrois présenta à Beethoven une composition de Bach, manuscrite et difficile, et que Beethoven l’exécuta, à première vue, « comme Bach la jouait, au témoignage du propriétaire du manuscrit ».

Il est donc avéré que Beethoven était, de bonne heure — (de meilleure heure que Mozart) — exercé à l’interprétation pianistique de l’œuvre de J. S. Bach, et qu’il se

  1. Dans un billet humoristique, Van Swieten, invitant Beethoven à venir jouer, le soir, vers 9 heures, l’engage à apporter « son bonnet de nuit dans son sac ».
  2. Date où Beethoven a marqué, dans son plus ancien journal : « Abends bey Swieten gegessen. » — II resta en liens étroits d’amitié respectueuse avec Van Swieten, jusqu’à sa mort, en 1803. Il lui dédia sa Première Symphonie, en 1801,