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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/33

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

Pour qui veut s’en donner la peine, il est facile de suivre dans les grandes œuvres de Beethoven, surtout dans celles de la fin, le double travail, simultané, du subconscient et de la volonté. Elles sont « parlantes ». Chez la plupart des maîtres allemands[1], — chez Beethoven principalement — tout ce qui s’exprime musicalement est un mouvement intérieur. Le fond psychique imprègne la forme. Et le miracle de cet art est que la forme est adéquate au sentiment. Je tâcherai de le faire voir et toucher dans mes analyses de quelques œuvres, et particulièrement de l’op. 106. Si grandiose qu’en soit l’architecture, la solution des problèmes de construction ne serait qu’un jeu de techniciens et d’esthètes, si, sous ces lignes et ces volumes solidement arrêtés et agencés, le flux de la vie intérieure la plus profonde et la plus libre ne réussissait à se couler, — si l’architecture musicale n’était l’étoffe qui recouvre, en s’y appliquant exactement, une âme vivante, dont les problèmes sont un jeu bien autrement grandiose.

Une analyse qui ne tiendrait pas compte de ceux-ci viderait l’œuvre de son contenu. Nous n’avons pas plus

  1. Ceci ne veut point dire que, chez les maîtres musiciens d’autres races, il en aille autrement. Mais les meilleurs artistes de nos races latines sont doués habituellement d’une imagination plastique — (sans parler d’autres caractéristiques d’ordre cérébral) — dont le mécanisme s’interpose comme un écran, entre l’élan créateur et l’expression musicale. C’est par son intermédiaire que se traduit, en langage des sons, le mouvement intérieur. Les musiciens allemands, plus dénués des magies de la vision — (et de certaines exigences de raison logique) — projettent plus immédiatement dans leur musique l’élan psychique.