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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/34

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BEETHOVEN

le droit d’en faire abstraction que de sacrifier au contenu le contenant, à l’émotion la construction. L’un et l’autre, en un Beethoven, ne font qu’un ; et nous ne réussirons à l’étreindre dans la plénitude de son génie créateur que si nous parvenons à refaire en nous la synthèse de tous ces éléments de vie et d’art associés.

Au point de départ, il y a toujours, dans les grandes œuvres de Beethoven, un débat tragique de l’esprit, qui est lui-même provoqué par telles circonstances précises de sa vie[1]. Autant que possible, retrouvons celles-ci, puisqu’elles forment l’atmosphère, d’où l’œuvre a surgi. Mais en tout cas, il nous faut absolument saisir le sens du grand Débat, qui se livre au cœur de l’esprit. Ce n’est point une tâche malaisée : — d’abord, parce que les forces qui entrent en conflit sont, presque toujours, chez Beethoven, simples et typiques, et parce que la langue où elles s’expriment est claire, logique, et généralement d’un dessin monumental ; — de plus, parce que les soliloques de son Journal[2] et ses lettres nous offrent, dans la langue des mots, la confirmation de ce que nous fait entendre, aux mêmes jours, le discours musical.

  1. L’influence des circonstances matérielles et morales est, d ailleurs, variable, au cours d’une vie d’artiste créateur. Leur action est surtout forte dans les périodes d’affaiblissement. Dans les périodes de plénitude, elle est beaucoup plus réduite : car 1 être créateur tient toute la place. — De là que, dans la vie de Beethoven, l’étude des circonstances prend une importance toute spéciale, pour les années de crise morale et physique comme le furent 1816-1817 et 1821-1822. Elle passe au second plan, entre 1818-1819 et la fin de 1820.
  2. Manuscrit Fischhofî.