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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/330

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BEETHOVEN

que nous avons précédemment analysé[1]. C’est, à ce moment, une hantise[2] ; et elle se produit, à l’heure même où sa tête est pleine de la sonate op. 106, de la Neuvième Symphonie, et des premiers effluves de la Messe.

Ce qui l’attire dans cet art ancien, ce qu’il y cherche, il l’a confusément exprimé, en son langage inarticulé, dans la fameuse lettre du 29 juillet 1819 à l’archiduc sur les fouilles qu’il opère, parmi ses Archives musicales : il veut prendre aux vieux maîtres leur admirable facilité d’écrire et leur sûreté — (das geschwinde Treffen, und mit der bessern Kunst-Vereinigung…) — et, par-dessus tout, leur solidité (Festigkeit).

De tout temps, Beethoven aurait eu des raisons d’envier cette justesse d’écriture, précise et ferme, lui dont le génie avait, nous le savons, tant de peine à forger son expression, et qui ne la conquérait qu’au prix d’efforts acharnés. Mais surtout depuis que le vide s’était fait autour de lui, au sortir de ces années de solitude et de tourments intérieurs, où le submergeait l’afflux pierreux et limoneux de sa pensée torrentielle, la difficulté d’expression s’était considérablement accrue. Car il ne voulait rien sacrifier de cette vie souterraine, il voulait tout dire de ce chaos qui grondait, au fond ; et il n’aimait pas le chaos ! Il lui fallait le saisir, le dompter, le pilier à sa volonté violente et réfléchie. C’est

  1. (Nottebohm, II, pp. 349-355). Nous y avons relevé plusieurs passages, copiés, du Clavecin bien tempéré et de Kunst der Fuge.
  2. Ne va-t-il pas jusqu’à écrire, dans son cahier de 1817 : — « Tous les troisièmes morceaux (de sonate), une vraie fugue… » (Alle 3-tten Stücke eine wahre Fuge…) !