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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/331

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

ce combat qu’il s’essaie à décrire, dans un entretien avec Schlosser, en 1823 : — « Alors commence dans ma tête le travail — (la forge « Verarbeitung ») — en large, en resserré, en hauteur, en profond, (in die Breite, in die Enge, Höhe und Tiefe) ; — et puisque j’ai la conscience nette de ce que je veux, l’idée qui gît au fond ne me lâche jamais. Elle monte, elle grandit, j’entends et je vois le tableau dans son entière étendue (expansion « Ausdehnung »), — comme [une matière] en fusion (Gusse), il se tient devant mon esprit… »

Mais quand il ajoute (ou Schlosser pour lui) :

— « Il ne me reste plus que le travail de l’écrire, — et cela va vite… »,

il se vante : car ses esquisses, qui souvent se prolongent pendant des années, attestent l’extrême difficulté qu’il avait à s’exprimer.

Ce qui est surtout à retenir de sa déclaration à Schlosser, c’est l’emprise sur lui de l’unité dans le chaos. Il n’est jamais gêné par l’entrechoc et la mêlée des inspirations différentes :

— « J’ai sur le métier, dans le même temps, des choses différentes, mais je suis sur de ne confondre aucune avec les autres… » — (puisque, de chacune, « l’idée qui gît au fond ne me lâche jamais. »)

Mais c’est plutôt cette idée-mère, « qui gît au fond », dont la surabondante et désordonnée floraison l’envahit, de tous côtés, et risque de l’étouffer. Or, rien n’enseigne mieux à la maîtriser et à faire le jour dans le fourré, que l’art de la fugue. Elle est la reine des logiques ; et la raison opiniâtre et volontaire de Beethoven, qu’engloutissaient ses « Stimm-

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