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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/334

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BEETHOVEN

« Fuga a tre voci, con alcune licenze », a-t-il inscrit, bien visiblement, en tête de son Allegro risoluto.

Dans quelle mesure ces licences altèrent-elles l’essence même de la fugue ? C’est là un terrain de controverse entre les musiciens. Tandis qu’un maître de composition aussi rigoureux que Vincent d’Indy n’élève aucune objection contre la construction de la fugue Beethovenienne, et que le commentateur des sonates, Nagel, en fait ressortir seulement la science et la beauté, qui, sans faire tort à la règle choisie, enrichissent le champ où elle est appliquée, un des maîtres, à mon sens, de la critique Beethovenienne, August Halm[1], insiste, dans son analyse pénétrante du contrepoint chez Beethoven, sur l’esprit étranger au contrepoint que Beethoven y a apporté. Cela ne diminue, d’ailleurs, en rien, à ses yeux, ni la maîtrise incontestable de Beethoven dans l’écriture contrepointique, ni la grandeur unique du finale de l’op. 106.

Mais la question, pour Halm, est qu’il y a un génie ou un démon propre du contrepoint, — qu’il y en a un autre de la sonate, — et que les deux génies ne sont pas de la même famille. Même quand il ne combine pas ensemble des thèmes, même quand il écrit en style libre, même à une seule voix, J.-S. Bach reste toujours un contrepointiste, effectif ou virtuel. Même ses accompagnements à des mélodies soli sont du contrepoint latent, toujours prêt à se développer, comme ses soli mêmes, sous forme de construction mélodique à plusieurs voix (gleichzeitig mehrfache Melodik).

  1. August Halm : Beethoven, 1927.