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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/336

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BEETHOVEN

n’est pas une fugue d’un caractère négatif… C’est un nouveau genre de musique (Musikgattung), orienté vers la fugue, mais non pas véritablement issu d’elle, un type d’art que Beethoven poursuivait, dans son esprit, depuis longtemps, et que finalement il a trouvé… L’esprit de la sonate en est le principe dominant, la fugue en est l’élément passif. Sa fécondation par l’esprit de la sonate engendre la forme de construction qui dépasse de loin l’ordonnance tonale de la fugue, et qui diffère totalement de la construction contrepointique. Car même les procédés empruntés à l’art contrepointique, les canons de diverses sortes, le Krebsgang du thème, ne sont pas ici l’important. Ils sont au service d’un esprit et d’un élan propres. Cette fugue a sa vie, ses souffrances, ses combats, ses transformations propres, comme un morceau de sonate[1]. »

Au lieu de s’inquiéter théoriquement si cette forme de

  1. Le point de vue de Walter Riezler, dans son livre récent sur Beethoven (1938) se rapproche beaucoup de celui de August Halm : — « Il ne reste plus rien, dit-il, de la forme statique de la fugue. Le thème principal de la fugue gouverne bien tout l’ensemble, à l’exception de quelques épisodes, et dans une stricte polyphonie ; mais il n’est plus, comme chez Bach, immuable à l’intérieur de certaines limites. Il doit se plier à toutes les transformations (Umgestaltungen) possibles de libre style. Il a, comme tout thème de sonate Beethovenienne, ses destins, et ceux-ci commandent la structure du morceau, comme d’un tout symphonique. »

    W. Riezler n’en conclut pas moins que le final fugué « d’une monstrueuse hardiesse et nouveauté », s’incorpore parfaitement dans l’organisme de la sonate entière, et qu’on ne pourrait souhaiter à celle-ci un autre final. Le sommet ou l’apogée (der Höhepunht), « que l’idée de l’œuvre exigeait dans le dernier morceau », ne pouvait être atteint ou réalisé que par le secours d’une fugue.